Le travail de milieu à Lachine/Saint-Pierre

Bilan court en travail de rue dans le quartier de Saint-Henri en 2022-2023

Faits saillants

  • 400 rencontres totales ont été réalisées individuelle et en groupe ;
  • 59% des personnes sont des femmes ;
  • 47 % sont des personnes entre 30 et 39 ans ;
  • 6990 seringues ont été récupérées ;
  • 4155 seringues distribuées ;
  • 1204 tubes en pyrex distribués ;
  • 43 tubes à Crystal Meth distribués ;
  • 1433 condoms distribués ;
  • 55 bandelettes de test de fentanyl distribuées ;
  • 82 trousses de naloxone distribuées.

J’occupe maintenant le poste de travailleuse de milieu dans le quartier de Lachine et de Saint-Pierre depuis le 24 juin 2022. Ce poste m’a permis d’utiliser les connaissances que j’ai développées à travers ma carrière d’intervenante ainsi que celles acquises durant mes études de maîtrise d’intervention en dépendances, que je suis sur le point de terminer. Bref, les compétences que j’ai développées à travers les 10 dernières années m’ont donné tous les outils nécessaires pour répondre à mon mandat de travailleuse de milieu en prévention des ITSS et des surdoses.


Dynamique du quartier

Le quartier de Lachine et de Saint-Pierre est un endroit très particulier pour faire du travail de rue. La grosseur du secteur est pour le moins assez importante et m’a permis de faire beaucoup d’observation et d’exploration. Lors de mes explorations à mes débuts en travail de milieu, j’ai été capable de dresser un point de vue assez spécifique de Lachine et de Saint-Pierre. Le quartier se démarque par son portrait multiculturel, les va-et-vient entre les différentes maisons de chambres et logements du quartier et les personnes qui restent dans le quartier depuis leurs naissances, élément très propre au quartier. Cette réalité m’apporte un point de vue intéressant sur la vie du quartier, m’offrant ainsi le privilège d’écouter passionnément les histoires des personnes qui ont demeuré dans le quartier depuis si longtemps.

Comme objectifs principaux, j’avais la volonté de rencontrer les personnes consommatrices et pouvant être à risque de surdose ainsi que les personnes ayant une vie sexuelle à risque. Afin de répondre à mon mandat de prévention des ITSS, en suivant l’approche en réduction des méfaits, j’ai arpenté une grande partie des rues du quartier, afin de rencontrer les personnes qui s’y promènent. De plus, j’ai ciblé les lieux où il y aurait potentiellement des personnes qui consomme, qui ont besoin de matériel de consommation et/ou des condoms, par exemple, les appartements de consommation, les maisons de chambres, les bars, les piaules, mes présences à Médecin du Monde, etc.

Depuis mon arrivée dans le quartier, j’ai accompagné plusieurs personnes dans leurs différentes démarches comme des recherches de suivi pour le maintien de leur abstinence, recherche de traitements agonistes aux opiacés ainsi que pour des démarches de RAMQ et de médecin de famille.

Réalités adultes

La réalité des personnes adultes que je rencontre est assez variable, mise à part l’itinérance et la consommation, la plupart des adultes que j’accompagne sont des personnes vivant avec plusieurs problèmes de santé physique et/ou de santé mentale. En ce qui concerne la santé physique, j’ai réalisé au fil des mois, que les personnes n’ont pas de médecin de famille, ne sont pas en mesure de payer leurs médications tandis que pour d’autres, ils refusent d’aller à la clinique où l’hôpital soit par fatigue, soit par difficulté de transport ou soit parce qu’ils disent subir de la stigmatisation au sein des systèmes de santé.

Du côté de la santé mentale, bien que plusieurs ont reçu un diagnostic, une grande partie des personnes que j’accompagne n’en ont pas, soit parce qu’ils refusent de rencontrer un psychiatre ou soit, car ils sont sur une liste d’attente depuis longtemps. L’autre réalité que j’ai observée au niveau de la santé mentale, c’est le manque de ressource dans le quartier pour accueillir ces personnes. Plusieurs personnes me mentionnent qu’ils ressentent de l’isolement social et ils nomment le besoin d’avoir de la compagnie.

Sur le plan de la santé sexuelle et la prévention des ITSS, les personnes sont sensibles à leur santé sexuelle et démontrent de l’intérêt à se protéger avec les condoms que j’offre. Toutefois, dernièrement, j’ai remarqué que les personnes qui me demandent des condoms ne connaissent pas nécessairement les différences entre chaque condom offert. Pour ce qui est des personnes en travail du sexe, elles sont réalistes quant à leurs santés sexuelles. Je remarque que la plupart des personnes se font faire des dépistages régulièrement et se procurent des condoms et des lubrifiants pour s’assurer d’être en sécurité avec leurs clients.

Réalités itinérance

Le manque de ressources communautaire à Lachine, surtout en ce qui concerne l’hébergement et le logement est un obstacle au travail que j’effectue dans mon quartier. Depuis la fermeture de la halte-chaleur de Lachine en juillet 2022, l’itinérance visible a augmenté, tout comme les difficultés de trouver des loyers à prix abordable. Ainsi, c’est à ce moment que j’ai remarqué qu’il était difficile de référer les personnes en situation d’itinérance que je rencontrais dans mon quartier, car le centre d’hébergement le plus proche est à Pierrefonds et les gens ne veulent pas vraiment être délocalisés de Lachine. Aussi, je remarque qu’il est difficile pour les personnes en situation d’itinérance de trouver un endroit pour s’installer à l’extérieur, plusieurs personnes affirment que la police ne tolère aucun campement et disent aussi se faire donner beaucoup de contraventions pour flânages dans les lieux publics.


Réalités consommation

En ce qui concerne la consommation, les gens sont très ouverts à discuter de leurs consommations avec moi. C’est de cette façon que j’obtiens de l’information sur les drogues qui circulent, les nouvelles substances qui se vendent dans le quartier, les mélanges les plus utilisés, etc. Par exemple, dans les derniers mois, j’ai appris qu’il y avait un retour de l’héroïne dans le quartier. À plusieurs reprises, plusieurs consommateurs ont utilisé les bandelettes de détection de fentanyl, plusieurs tests se sont révélés positifs au fentanyl dans une substance vendu comme de l’héroïne, ainsi que dans du crack et du crystal meth. J’utilise tous les moments possibles avec les gens pour faire de la prévention aux surdoses et je distribue des trousses de Naloxone.


Conclusion et réflexion personnelle

En conclusion, je considère bien connaître mon quartier, les personnes qui font usage de drogue et d’alcool, que se soit en ce qui concerne la consommation par inhalation, par l’injection et oralement. Pour ce qui est de mon mandat en prévention des ITSS, je réussis à répondre à mon mandat avec les personnes qui consomme. Pour ce qui est des personnes à risque des ITSS, que ce soit pour les personnes en travail du sexe ou pour les personnes ayant une sexualité à risque, j’ai la volonté de m’investir davantage pour répondre adéquatement aux deux aspects de mon mandat.

Perspectives pour l’année à venir

Pour l’année à venir, je souhaite développer une plus grande connaissance du milieu du travail du sexe, afin de viser un peu plus mon mandat en prévention des ITSS et des surdoses. Car pour ce qui est de la consommation, j’ai déjà une bonne connaissance du milieu, des personnes qui consomment et des nouvelles drogues. De plus, j’aimerais faire l’exploration de mon territoire avec mes collègues, ainsi du temps de rue dans leurs propres quartiers.

Catherine
Travailleuse de milieu à Lachine/Saint-Pierre

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